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"Les Prophéties"
Suite symphonique |
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Robert LANNOY, compositeur du Nord,
Grand Prix de Rome, et ancien directeur du Conservatoire
National de Région de Lille, a composé en 1961 une fresque symphonique
pour récitant, chœur et grand orchestre intitulée "Les Prophéties",
sur un texte composé de psaumes tirés de l'Ancien Testament.
Cette œuvre magistrale, d'une durée d'une heure environ (commande
d'état), n'avait jamais été jouée avant le
12 Octobre 2000.
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Détails
techniques | Les Psaumes
| Genèse | Pourquoi
ce titre ? |
Détails
techniques |
Date : |
Avril 1961 |
Durée : |
environ 1 heure |
Edition : |
aucune - Sacem - Manuscrit original
(conducteur + matériel) existant au siège de l'association |
Commande d'état
Fresque symphonique (Oratorio) pour récitant, chœour et orchestre symphonique.
Détails :
- Prologue (Psaume 13)
- I - Prière des malchanceux (Ps 123)
- II - Le drame messianique (Ps 2)
- III - Supplique contre les méchants (Ps 140)
- IV - Oracle (Ps 60)
- V - Action de grâces (Ps 118-128-136-138)
- Epilogue (Ps 138)
Instruments :
- Chœour + récitant
- 3 flûtes dont 1 piccolo
- 2 Hautbois
- 1 cor anglais
- 2 clarinettes Sib
- 1 clarinette basse
- 2 bassons
- 1 contre-basson
- 1 saxophone alto mib
- 4 cors en Fa
- 3 tompettes en ut
- 3 trombones
- 1 tuba
- timbales
- percussions (caisse-claire, tambour voilé, grosse-caisse, tam-tam,
cymbales, wood-block, triangle, tambour de basque, tambourin,
castagnettes, cloches)
- harpe
- celesta
- quintette à cordes
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Les Psaumes |
PROLOGUE
(Psaume 13)
(supplication individuelle - appel confiant) |
Jusques à quand, Yahvé, m'oublieras-tu
? pour toujours ?
Jusques à quand déroberas-tu loin de moi ta face,
Jusques à quand mettrai-je en mon âme le souci,
En mon cour le chagrin, de jour et de nuit,
Jusques à quand l'ennemi aura-t-il le dessus ?
Regarde, réponds-moi, Yahvé, mon Dieu ! |
I - PRIERE DES MALCHANCEUX
(Psaume 123)
(supplication collective - appel au secours) |
Vers toi j'ai les yeux levés,
qui te tiens au ciel ;
les voici comme des yeux d'esclaves
vers la main de leur seigneur
Comme les yeux d'une servante s'attachent
à la main de sa maîtresse,
ainsi nos yeux vers Yahvé notre Dieu,
tant qu'il nous prenne en pitié.
Pitié pour nous, Yahvé, pitié pour nous,
trop de mépris nous rassasie;
notre âme est par trop rassasiée
des sarcasmes des satisfaits !
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II - LE DRAME MESSIANIQUE
(Psaume 2)
(psaume royal- le roi instrument divin) |
Pourquoi frémissent les nations,
et grondent vainement les peuples ?
Les rois de la terre se lèvent,
les princes se concertent contre Yahvé et son Oint ;
"Allons, brisons leurs entraves
et faisons sauter leur joug"
Celui qui siège dans les cieux sourit,
Yahvé les tourne en dérision.
Alors en sa colère il leur parlera
dans sa fureur il les épouvantera :
"c'est moi qui ai sacré mon roi
sur Sion, ma sainte montagne."
Je publierai le décret de Yahvé :
Il m'a dit : "Tu es mon fils,
moi aujourd'hui, je t' ai engendré.
Demande, et je te donne les nations pour héritage,
pour domaine les extrémités de la terre;
tu les briseras avec une verge de fer,
comme vases de potier tu les fracasseras."
Et maintenant, O rois, comprenez,
instruisez-vous, juges de la terre !
Servez Yahvé avec crainte
et baisez ses pieds avec tremblement,
qu'il n'aille s'irriter et vous en perdition,
car bientôt s'enflammera sa colère.
Heureux qui se confie en lui !
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III - SUPPLIQUE CONTRE LES MECHANTS
(Psaume 140)
(prière d'appel au secours individuelle) |
Délivre-moi, Yahvé, de l'homme du mal,
préserve-moi de l'homme de violence,
lui qui médite en son coeur des méfaits,
suscite chaque jour la guerre,
qui aiguise sa langue ainsi qu'un serpent,
a du venin d'aspic sous la lèvre !
Garde-moi, Yahvé, des mains de l'impie,
préserve-moi de l'homme de violence,
lui qui médite de faire trébucher mes pas
et qui tend un filet sous mes pieds ;
arrogants, ils m'ont caché une trappe et des rets,
mis des pièges au bord du passage.
J'ai dit à Yahvé : "Toi, mon Dieu,
écoute le cri de ma supplique !"
Yahvé mon Seigneur, la force de mon salut,
tu couvris ma tête au jour de l'assaut ;
Yahvé, ne consens pas aux désirs des impies,
ne fais pas réussir leurs complots !
Qu'au dessus de moi ils n'élèvent pas la tête,
mes assiégeants,
Que la malice de leur lèvres les enveloppe ;
que pleuvent sur eux des charbons ardents,
fais les choir aux gouffres, qu'ils ne se lèvent plus ;
que les gloseurs ne subsistent plus sur terre,
que le malheur pourchasse de coups les violents.
Je sais que Yahvé fera
droit aux affligés, justice aux indigents ;
oui, les justes rendront grâce à ton nom,
les hommes droits habiteront devant ta face.
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IV - ORACLE
(Psaume 60)
(oracle d'espoir - restauration d'un royaume agrandi et unifié
comme au début de la monarchie + bénédiction sur les fidèles) |
O Dieu, tu nous as rejetés, déchirés ;
Tu étais irrité ; retourne vers nous !
Tu as ébranlé le pays, tu l'as fendu ;
guéris ses brèches, car il vacille !
Tu en as fait voir de dures à ton peuple,
tu nous a fait boire un vin de vertige.
Veuille donner un signe à ceux qui te craignent,
pour s'enfuir hors de portée de l'arc !
Afin de délivrer tes bien-aimés,
sauve par ta droite, et réponds-nous.
Dieu a parlé en son sanctuaire :
"Je monterai, je partagerai Sichem,
j'arpenterai la vallée de Soukkôt.
A moi Galaad et à moi Manassé
Ephraïm est l'armure de ma tête,
Juda, mon bâton de commandement.
Moab est le bassin où je me lave,
sur Edom, je jette ma sandale,
Je lance contre Philistie mon cri de guerre."
Qui me conduira dans une ville forte,
Qui me mènera jusqu'en Edom,
Nous aurais-tu rejetés, ô Dieu,
ne sors-tu plus avec nos armées ?
Prête-nous assistance contre l'ennemi,
car dérisoire est le secours de l'homme !
Avec Dieu, nous ferons des prouesses,
et lui piétinera nos ennemis.
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V- ACTION DE GRACES
(Psaume 118-128-136)
(liturgie -pour le Soukkôth) |
Rendez grâce à Yahvé car il est bon,
car éternel est son amour !
Qu'elle le dise, la maison d'Israël :
éternel est son amour !
Qu'elle le dise, la maison d'Aaron :
éternel est son amour !
Qu'ils le disent, ceux qui craignent Yahvé,
éternel est son amour !
Sous le coup de l'angoisse, j'invoquai Yahvé,
il m'exauça, me mit au large ;
Yahvé est pour moi, je suis sans crainte
que me fait l'homme à moi ?
Yahvé est entre tous celui qui m'aide,
je toiserai mes adversaires.
Mieux vaut s'abriter en Yahvé
que se fier à l'homme ;
Mieux vaut s'abriter en Yahvé
que se fier aux princes.
Tous ces païens m'ont cerné, investi,
au nom de Yahvé, je les taille en pièces ;
ils m'ont cerné comme des abeilles leur cire,
ils m'ont brûlé comme un feu de ronces,
on m'a poussé, poussé pour m'abattre,
mais Yahvé me vint en aide ;
ma force et mon chant, c'est Yahvé,
il fut pour moi le salut
Heureux tous ceux qui craignent Yahvé
en marchant dans ses voies !
Du labeur de tes mains tu seras nourri,
heur et bonheur pour toi !
Ton épouse sera une vigne fructueuse
au fort de ta maison ;
tes fils, des plants d'olivier
alentour de la table.
Voilà comment sera béni
l'homme qui craint Yahvé
que Yahvé te bénisse de Sion
tous les jours de ta vie !
Et que tu voies les fils de tes fils
dans une Jérusalem de bonheur!
Paix sur Israël ........
Rendez grâce à Yahvé car il est bon,
car éternel est son amour !
Rendez grâce au Dieu des dieux,
car éternel est son amour !
Rendez grâce au Seigneur des seigneurs,
car éternel est son amour !
Lui qui seul a fait des merveilles,
car éternel est son amour !
Qui fit le ciel avec intelligence,
car éternel est son amour !
Qui affermit la terre sur les eaux,
car éternel est son amour !
Qui fit les grands luminaires,
car éternel est son amour !
Le soleil pour gouverner sur le jour,
car éternel est son amour !
La lune pour gouverner sur la nuit,
car éternel est son amour ! .......
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EPILOGUE
(Psaume 138)
(action de grâces individuelle) |
Je te rends grâce, Yahvé,
de tout mon coeur,
car tu entendis les paroles de ma bouche
En présence des anges, je te psalmodie,
Je me prosterne vers ton temple sacré,
pour ton amour je rends grâce à ton nom,
car tu magnifias par dessus tout ta fidélité ;
le jour où je criai, tu m'exauças,
tu as dilaté mon âme en sa force |
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Genèse
de l'oeuvre |
"Ce qui manque le plus à notre époque
: le souffle et la grandeur qu'il faut absolument retransmettre
à tous."
Robert Lannoy
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Robert Lannoy n'a écrit qu'un seul Oratorio. La Genèse
de la musique des Prophéties a duré près de vingt ans. On ne sait
pas à quand remonte exactement son intention de composer sur des
Psaumes. Peut-être au moment de sa captivité ? C'est après la guerre
que Robert Lannoy voulant exalter un monde et un homme nouveaux,
a l'idée de mettre en oeuvre cet Oratorio en s'appuyant sur des
textes tirés du livre des Psaumes. Cependant, une rencontre avec
le poète belge Félix Forté viendra bouleverser son projet. Celui-ci,
en effet, vient de faire paraître "Voix Humaines", recueil
poétique en six thèmes : la misère, la science, l'art, l'amour,
la mort, Dieu. Robert Lannoy y trouve un écho profond à ses préoccupations
artistiques et philosophiques et compose alors une fresque symphonique
pour récitants, choeur et grand orchestre, portant le même titre
: "voix humaines". En 1961, Robert Lannoy décide de réadapter
cette dernière oeuvre en s'affranchissant du texte de Félix Forté
pour revenir à son projet initial d'illustration des Psaumes dont
le titre deviendra "les Prophéties" et dont il écarte
le passage intitulé "L'amour". Existent donc à ce jour
deux faces d'un même projet musical, qui diffèrent par le texte
: l'un profane et humaniste, l'autre religieux et mystique.
La musique de Robert Lannoy est issue de cette riche
école française marquée par Fauré et Debussy. Présente dans son
siècle, elle ne devait cependant jamais emprunter les voies avant-gardistes
de la musique atonale ou de la musique électro-acoustique. Robert
Lannoy resta fidèle à la tradition, s'en faisant le perpétuateur
tant comme compositeur que comme pédagogue. Remarquable orchestrateur,
puisant son inspiration dans la littérature, il fut attiré par la
musique de scène et le ballet, disciplines qui lui permirent de
déployer de belles capacités à inventer des univers sonores colorés
et évoquateurs.
Dans les Prophéties, il traite la voix parlée aussi
bien pour le soliste que pour le choeur, ce qu'on retrouve également
dans "le Roman de la Rose" et "la Couronne effeuillée".
Cette oeuvre est divisée en sept parties et son orchestration est
colossale : bois divisés par trois, cuivres par trois, saxophone,
harpe, célesta, percussions, subdivision des pupitres de cordes
et choeur à voix mixtes parfois dédoublées également.
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Pourquoi ce
titre "Les Prophéties" |
Interprétation donnée par Marc VAN
LERBERGHE |
Pourquoi le titre "les Prophéties"
alors que les textes utilisés dans l'ouvre sont tous des psaumes
extraits de l'ancien testament ? Difficile de répondre car nous
ne savons rien des pensées profondes du compositeur à ce sujet.
Pour tenter cependant une réponse, précisons la signification de
ces termes :
PROPHETE : aujourd'hui vu surtout comme une
sorte de devin que l'on consulte pour savoir ce qui va arriver.
Le dictionnaire en donne les définitions suivantes :
Le prophète biblique cependant présente une figure
quelque peu différente, beaucoup plus complexe et fine :
-
S'il est perçu comme l'homme du futur, son message
essentiel réside dans la promesse de bonheur, tout en la reliant
à l'exigence de la conversion.
-
Le prophète se présente toujours comme un intermédiaire
entre une réalité divine et la masse des fidèles. Il est à la
fois l'homme d'une continuité et d'une rupture : il annonce
la transfiguration d'un legs religieux tout en manifestant une
vérité jusque-là cachée ou altérée. Ce qu'il annonce est moins
le futur que l'absolu.
-
Le prophète est critique du présent. Il bouscule
l'ordre, ou le désordre établi. Il est donc veilleur et réveilleur.
PSAUMES : le mot vient du grec psalmerion,
nom d'un instrument de musique à cordes qui accompagnait le chant.
(hébreu : mizmor: chant ou hymne accompagne d'un instrument à cordes).
Les psaumes forment le recueil des chants religieux d'Israël pour
le culte : louanges à dieu, supplications individuelles ou collectives
dans l'épreuve ou les difficultés, demande de pardon, actions de
grâces pour la délivrance du mal et pour la vie reçue de Dieu. Les
psaumes étaient composés par le roi ou le prêtre ou par les prophètes
et adaptés aux circonstances. L'écriture des psaumes relève de l'art
poétique hébreu gouverné par ses règles propres et originales :
rythmes, assonances, structure strophique, parallélismes etc ...
difficilement reproductibles dans une traduction.
On peut penser que Robert Lannoy a été sensible à
certains points développés dans l'Introduction de l'ouvrage utilisé
pour la sélection des psaumes - "les Psaumes", traduit
par R.TOURNAY o.p, les Editions du Cerf, 1950 - notamment page 21
: "Les psalmistes parlent comme des maîtres de sagesse qui
veulent édifier et instruire la communauté ; ils sont aussi pénétrés
des doctrines prophétiques, surtout d'Isaïe [...] de Jérémie [...]
et d'Ezéchiel ..." ; et encore page 17 : "Les psalmistes,
dont il est écrit qu'ils prophétisent (1 Chron.25, 1 et 2 ; 20,14)
exploitent à fond les écrits des prophètes, surtout Isaïe, et en
imitent le style (exhortations, promesses, menaces ), sans abandonner
pour autant la manière didactique.
En analysant les versets dans leur succession - voir
textes joints - on se rend compte que c'est un message d'espoir
et de confiance qui est délivré ici : à la supplication individuelle
et collective, la réponse de Yaweh est exauçante et l'action de
grâces s'élève. Cette suite de psaumes est bien prophétique car
manifestant la relation dieu/homme, elle rappelle que Dieu n'oublie
jamais l'alliance conclue avec l'homme, quoi qu'il arrive.
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